Texte dit pour la première fois à la Fête de l’Humanité, le 13 septembre 1980, avec le concours de la Cie Lubat . Publié aux Editions Jacques Brémond : lien publication
reprise magnifique en 2012 de Nelly Pulicani et en 2013 de Ph.Caubère
Des troubadours aux félibres, des camisards aux maquisards, le poète de Memento occitan déploie sa géographie élective, dépecée par les promoteurs : « L’Occitanie dans sa robe de sel et d’ocre / Et de terres abandonnées au plus offrant. » Le poète réveille la tradition du trobar clus et la mémoire des révoltes populaires occitanes pour mêler des noms rarement associés, tels Mistral et Jaurès ! Le souffle épique fait sonner le français et l’occitan avec la même ferveur. Si la langue pétrie d’Histoire de Benedetto renoue avec les grandes épopées populaires, ce n’est plus le héros singulier qui règne au cœur du chant mais la conscience collective à voix multiples. Renouveau d’un lyrisme révolutionnaire occitan à l’opposé du registre pittoresque et refusant tout enfermement régionaliste…
Pour en finir avec le jugement de Dieu ( Benedetto dit Artaud )
En 1966 André Benedetto avait enregistré lui-même sur le petit magnétophone de jean-Marie, la transcription du texte radiophonique d’Antonin Artaud de 1947 « Pour en finir avec le jugement de Dieu » . Puis la bande a été perdue. En 1980 on a refait un enregistrement dans un coin du théâtre des Carmes, en essayant de retrouver le même souffle. André avait également lu ce texte dans les années 2000 pour un vernissage de Bessompierre sur les marches de la bourse du travail à Arles.
à 14h 𝙊𝙪𝙫𝙧𝙞𝙚𝙧𝙨, 𝙥𝙖𝙮𝙨𝙖𝙣𝙨, 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙨𝙤𝙢𝙢𝙚𝙨 … une rencontre avec 𝗟𝘂𝗰𝗶𝗹𝗲 𝗯𝗿𝘂𝗻𝗲𝗮𝘂 Apicultrice, et 𝗘𝗿𝗶𝗰 𝗣𝗳𝗶𝗳𝗳𝗲𝗿𝗹𝗶𝗻𝗴 Vigneron entremêlée de textes d’André Benedetto lus par Claude Djian, Christian Bourgeois et Regis Rossotto !
actrice dans les pièces d’André Benedetto: 1985 Tout Hugo d’un seul coup 1979 Pique-nique au moulin d’Ardus 1978 Ville à vif – L’Occitana Engabiada 1977 Saint-Féniant et Dame Paresse – Parcours vénitien 1973 Les Tambours de Satan 1971 À bec et à griffes
1985 Peire Vidal, le loup polyglotte de Frédéric Vouland
Christian Bourgeois, peintre, vit et travaille à Pouzilhac – Gard. Compagnon de la première heure de la Nouvelle Compagnie d’Avignon, il a été chef décorateur télévision en côte d’Ivoire et au Sénégal, puis il a enseigné les arts plastiques à Paris. Il a accumulé une œuvre foisonnante, peu connue du public. L’exposition sera une bonne occasion de la révéler.
Le Théâtre des Carmes, depuis sa création, est attaché aux artistes-peintres contemporains, parmi lesquels on trouve Georges Beaumont, Louis Pons, Michel Trinquier, Ben Vautier, Ernest Pignon-Ernest, Pierre François, Cadène, Pierre Cayrol, Jacques Brianti, Bessompierre, etc
archive : article de Maïa BOUTEILLET publié dans Libération le 28 juillet 1999 …Vingt et une heure trente, place des Carmes. A l’aise dans ses sandales, la mèche gris argent, André Benedetto discute sur le trottoir, devant le théâtre qu’il a fondé en 1963 et où, depuis, été comme hiver, il joue et met en scène les textes qu’il a écrits. Le Menaçant Un texte en forme d’inachevé, «une tentative de représentation» où le poète livre ses inquiétudes face à la peste brune, ses débats intérieurs d’artiste contre le racisme et l’intolérance. Sortes de pensées à voix haute, sans doute nourries de la lecture des quotidiens et d’une bonne dose de méfiance à l’égard de la télé. Posté devant le rideau rouge, «à la recherche d’un héros tragique qui pourrait incarner le Mal», il en profite pour donner un petit cours de dramaturgie. Une télécommande à la main pour faire la lumière comme bon lui chante, bonhomme, il explique qu’œdipe, héros tragique par excellence, était, au fond, «un type simple, bien que né à la cour, jusqu’au jour où un vieux lui a cherché des noises au carrefour». Et, poursuit-il, avec l’accent de la garrigue, «comme il a bien répondu à la question, un peu comme au jeu des Mille francs, voyez, il a gagné la reine. On l’imagine bien raconter ça dans un bistrot de toute façon, le théâtre, c’est d’abord une affaire de bistrot , attablé devant un pastis et des cacahuètes» » …
Programme des journées
Vendredi 27 octobre à partir de 18H30
Exposition des œuvres de Christian Bourgeois Lecture d’extraits de « Le Menaçant » d’André Benedetto Dirigée par Régis Rossotto Avec Claude Djian, Corinne Djian, Nolwenn Le Doth, Charlotte Michenaut, Thomas Billaudelle, Benoit Miaule, Régis Rossotto, Florent Terrier, Florian Martinet, Héléna Vautrin
Lecture d’extraits de « Jaurès la voix » d’André Benedetto Par Jean-Claude Drouot
samedi 28 oct 2023 à partir de 18H
« Feu d’artifice » Benedetto Avec notamment des extraits d’ « emballage » d’André Benedetto Par Claude Djian et Marie Hurault des extraits de « Lola Pélican » d’André Benedetto Par Christine Matos Vidéogrammes de Jean-Marc Peytavin. Des surprises Les 60 bougies et le gâteau à partager ! Entrée Libre Réservation au 04 90 82 20 47
Projection de vidéogrammes dessinés par JM Peytavin sur des poèmes d’André Benedetto dits et enregistrés par l’auteur, plus un monologue en duo inattendu…
Deux espaces cubiques. Au fond, le mur décrépi du Théâtre des Carmes surplombe la scène et son manteau. Lieu vernaculaire, celui de la langue du poète André Benedetto. A l’origine cet espace était fermé aux yeux des spectateurs par un autre mur qui faisait office d’écran de cinéma. Les pièces se jouaient dans le premier cube, à même le ciment du sol, acteurs et spectateurs entremêlés. Dans le second cube, invisible, au milieu d’un fourbi de décors et costumes se trouvait un vieux piano à queue déglingué avec lequel on faisait de la musique concrète de nuit en grattant les cordes de basse. Maintenant, après que l’écran eut été crevé, on a un vrai théâtre à l’italienne, avec une salle emplie de fauteuils rouges et une scène en chêne massif. Au fond, le mur décrépi reste gardien du temps.
15 avril 2023, Bernard Lubat a posé en bord de scène les objets du délit, ses iles, équitables, une batterie à gauche, un micro sur pied, une petite table couverte d’instruments en plastique, un accordéon avachi sur une chaise pliante, un autre micro, une plaque de tôle réfléchissante couverte d’écritures blanches, à droite. Au centre du circuit, un peu en retrait, un piano à queue Steinway noir brillant surmonté de trois poêles à frire. Quelques lampes de chevet éclairent le tout.
L’acteur-auteur entre avec ce léger balancement qui deviendra swing quand il atteindra le bout de ses doigts. Pour l’heure ce sont les mots, un long préliminaire de mots, dans la géhenne des mots, puis le liminaire, puis le prologue et tout ce qui s’en suit. Dans une langue qu’il qualifie de « poiëlitique », ou le lapsus est générateur de sens, Lubat détache les éclairs d’une conscience insomniaque, assidument, avec une élocution claire, dans un tempo que rien ne semble pouvoir interrompre. Réfutation de la virtuosité savante des chiens de cirque, des palmes, des flagorneries et des exploitations marchandes. Toujours dans un espace lié entre voir et dire, entre marteau et enclume. Le glissements des sens, Edouard Glissant sans glissando, Deleuze, Félix, Guattari, les signifiants vides … Au bout de quarante minutes la suite aphoristique à fait son chemin, toujours sans la moindre mélodie, mais suivant un rythme de marcheur pour acte épique. Traversée de la scène, pose de l’accordéon à terre, leçon de chant. Du vagissement au chant, du borborygme à la vocalise, le commencement de la mélopée, le cazou au bec. Finalement, c’est un long prélude amoureux, traversé de contre-temps, déjoué, une attente érotique. Une lente approche. La lecture des notes avant de jouer des notes. L’extase, ça se mérite, l’appétit venant avec un peu d’exercice vocal.
A pas mesurés, direction piano. Quatre séquences de cordes frappées. Lubat est un sismographe branché sur son magma intérieur avec des antennes en surface, genre état d’urgence, les neurones directement connectés aux mains. La pudeur est un manteau froid qui génère des pressions éruptives. Alors quand on peut entendre sa propre pensée entrer en résonance, dépouillée de ses itérations contenues – des fulgurances – emballements et replis – explosion combinatoire du sens – tachycardie de l’âme – syncopes de l’oubli – alors l’équation se réduit à sa plus simple expression – devient irréductible – d’où ce sentiment de plénitude – mais que tout aveu ou consécration vont disloquer. Orphée, ne te retourne pas!
Puis l’accordéon, piano à bretelles, vient s’harnacher au corps du récit. L’objet chromatique saisi d’une main, agonisant de l’autre jusqu’au sol, il produit un gémissement, un accord soutenu, et de là surgit alors le cri. Un infracassable hurlement de bête du Vacarès, le long mugissement d’un taureau minotaure. Quand Bernard se déplace physiquement ou quand il brame à l’accordéon, je peux voir surgir Orson Welles dans Falstaff, une Jeanne Moreau coquine lui tirant la barbe. Dans le « danseur des solitudes », Georges Didi-Huberman qualifie le danseur Israel Galvan de « danseur des arrêts ». Il le compare, avec l’aide de Bergamin, aux toreros Belmonte et Joselito sur des figures syntaxiques communes. Le « remate » (rematar), faire de l’arrêt une figure, et le « temple » (templar), l’art du ralentissement et de l’accélération en même temps.
Ceci ne parlera qu’aux aficionados, mais Bernard Lubat est à la fois le taureau et le torero. Il se torée lui-même, avec ces mêmes figures. Peut-être est-il plus danseur qu’il n’y parait. C’était un sujet de conversation quand nous marchions lentement en plein cagnard un été de 2006, du Théâtre des Carmes à l’hôtel de Sade où il jouait avec André Benedetto l’implosion de Clément V. Confronté au ravissement, le ravisement comme figure de style est-éthique, remède irrémédiable à la mort. Je convoque l’autoportrait de Rembrandt à la ronde de nuit, juste pour la forme. C’est bien un autoportrait de l’acteur dessinant sa carte et son territoire au milieu des humains, auquel nous assistons. Les silences et les pauses en sont les frontières tracées au rasoir. Les balles de ping-pong qui tintinnabulent sur les cordes du Steinway, les canettes de soda froissées qui swinguent, une moulinette en plastique, c’est encore du Lubat et dans le silence d’avant les mots, la glossolalie fait ses arpèges. Le coup de batterie, un tour de force. Deux grosses baguettes de clown pour dire, attention, voilà un numéro de cirque imposé, magistral, poum, entre parenthèses, tchac. Et pour commencer de finir, deux exercices encore assis face au clavier. Le premier avec fléchettes ping sur poêle à frire, et le dernier en chanson révolue, « avec le temps », léo Ferré … « avec le temps, va, tout s’en va … et l’on se sent tout seul peut-être, mais peinard… »
A cet instant, une esquisse de fin s’est faufilée, mais le miroir, intact, faisant signe en dernier, il faudra bien finir de commencer. Dans la cuisine sonore de Bernard Lubat, on a vu souvent enclumes, tôles suspendues, ailes de voitures et pare-chocs qui vont crisser ou être frappés de stupeurs arithmétiques. Mais ici ce miroir n’en est pas un, c’est une plaque de réflexion inoxydable, couverte d’écritures blanches, à travers lesquelles filtre dans le vide des mots, le visage de l’acteur-auteur, page blanchie au pinceau, palimpseste en négatif, interminable repeint. Il est habité par quelque diable venant réclamer son dû au docteur Faust. Mais qui de l’acteur ou de l’auteur est le malin ? Dans ce théâtre la question fut posée en son temps.
L’acteur se ravise, se confronte à l’objet spéculaire, le saisit à bras le corps pour lui faire rendre gorge, le secoue comme un prunier, le sature de réponses sans question, disparait dans son ombre, questionne encore, détache l’œil de l’auteur de son orbite et fait parler la mort insatiable.
A la fin de tout, la carte est dessinée. Une bibliothèque de Babel avec des pays qui se touchent se chevauchent et se brouillent, l’alphabet des paroles et des mots-dits, l’infinie variation des 27 signes de l’écriture, le son des coups de patte, le registre intempérant du clavier bien tempéré, l’idéogramme des corps, le catalogue des regrets et le chant des baleines. Le territoire, plus vaste, c’est l’Histoire. Cartographie inachevable d’un testament de conscience avec un gros nez rouge.
La boucle d’un marathon express aller-retour sans retour est ainsi close. Acte unique, austère, exténué, irréductible, non duplicable, sans suite immédiate envisageable, frangé d’effacement. Dans ce théâtre j’ai eu quelquefois ce vertige, l’espace d’un récit avec Benedetto, quand l’acteur-auteur se consume au millimètre jusqu’au dernier souffle au cœur. Avec le temps et contre-temps. Ici les murs ont peut-être encore des oreilles en forme de radar pour entendre entre dire et voir. Bernard, tu as joué tes notes bleues et tes notes de bas de page très exactement sur le clavier de mon œil d’oiseau rétif. Cela m’a fait du bien. Merci.
JMP 22/08/23
« Cela commença sous les rires des enfants, cela finira par eux. Ce poison va rester dans toutes nos veines même quand, la fanfare tournant, nous serons rendu à l’ancienne inharmonie. Ô maintenant, nous si dignes de ces tortures ! rassemblons fervemment cette promesse surhumaine faite à notre corps et à notre âme créés : cette promesse, cette démence ! L’élégance, la science, la violence ! On nous a promis d’enterrer dans l’ombre l’arbre du bien et du mal, de déporter les honnêtetés tyranniques, afin que nous amenions notre très pur amour. Cela commença par quelques dégoûts et cela finit, — ne pouvant nous saisir sur-le-champ de cette éternité, — cela finit par une débandade de parfums… » Arthur Rimbaud – Matinée d’ivresse
𝗦𝗔𝗠𝗘𝗗𝗜 𝟭𝟱 𝗔𝗩𝗥𝗜𝗟 𝟭𝟵𝗛 𝗠𝗨𝗦𝗜𝗖𝗔𝗟𝗘𝗠𝗘𝗡𝗧 𝗣𝗔𝗥𝗟𝗔𝗡𝗧 𝘾𝙤𝙣𝙘𝙚𝙧𝙩𝙖𝙣𝙘𝙚 𝙐𝙜𝙚𝙨𝙩𝙞𝙘𝙪𝙡𝙚́𝙚 𝙙𝙚 𝘽𝙚𝙧𝙣𝙖𝙧𝙙 𝙇𝙪𝙗𝙖𝙩 (Concert/conférence/Concomitance) Jusqu’où ça commence le commencement. Humeur humour humanité humidité 2 heures sur le fil de l’impro-spective… La musique à vivre en liberté libre… Les mots dits pour le dire et redire.