Biographie

André Benedetto
1934 – 2009

Un « Brecht retrouvé sur un tréteau de bateleur »

Gilles Sandier

Né à Marseille en 1934, André Benedetto reste attaché, tout au long de sa carrière d’homme de théâtre très prolifique (près de soixante-dix pièces), à la culture – on pourrait même dire à la cause – occitane ainsi qu’à la question de l’identité méditerranéenne, toujours liées, chez lui, à une option progressiste. Il fonde en 1961 la Nouvelle Compagnie d’Avignon et est à l’origine du festival Off d’Avignon. Auteur-acteur-metteur en scène, associant étroitement poésie et politique, André Benedetto est l’un des artistes les plus représentatifs du théâtre engagé de la fin des années 1960. Une de ses premières pièces, Napalm (1968), traite de la guerre du Vietnam tandis qu’une autre, Zone Rouge (1969) est construite autour du mythe de Che Guevara. Benedetto invente un théâtre forain – Théâtre de bivouac – d’une grande richesse esthétique où protestation et questionnement, didactisme et lyrisme, véhémence et humour ne cessent de se bousculer l’un l’autre. Mariage improbable et cependant parfaitement harmonieux de l’esprit de la tragédie – un des premiers spectacles de Benedetto est une adaptation des Perses d’Eschyles – et de l’agit-pop des années 1920.

Sous la direction de Robert Abirached,
extrait de Le Théâtre français du XXe siècle, éditions l’avant-scène théâtre
Une biographie un peu longue et détaillée !

Né à Marseille en 1934, André Benedetto passe son enfance et son adolescence à Salon-de-Provence. Il exerce d’abord comme instituteur. Il vient au théâtre avec Gabriel Monnet au cours de stages d’été. Il s’installe en Avignon à la fin des années cinquante.

La création en 1961 de la Nouvelle Compagnie d’Avignon marque le début de son parcours artistique en tant que metteur en scène, comédien et bien sûr auteur de cette troupe permanente de création pour laquelle il a écrit plus d’une soixantaine de pièces.

Après deux créations (une adaptation de Poe et un texte dont il est l’auteur,

COLONEL STARK), c’est en 1963 que le travail de la compagnie commence véritablement avec l’installation au Théâtre des Carmes, qui à l’époque n’est qu’une salle paroissiale. Benedetto met alors en scène Claudel, Beckett, Eschyle, Arrabal, fait des montages de poèmes d’Eluard ou de la « Beat Generation », en écrit lui-même. La publication d’un manifeste qui prône « les classiques au poteau » radicalise le travail de la troupe et engage définitivement Benedetto dans l’écriture chargée de retrouver « la vraie couleur et le vrai poids des mots », et de mettre en scène la lutte des classes sans didactisme mais en essayant plutôt de transposer les concepts, les images qui circulent dans les consciences.

En 1966, il lance le festival « OFF » sans le vouloir avec STATUES. C’est le début d’une grande période de théâtre en prise directe avec les événements politiques et historiques de son temps avec NAPALM (première pièce française sur la guerre du Vietnam), ZONE ROUGE, (comment être révolutionnaire dans la France de notre temps, créée en même temps qu’éclate Mai 68), LE PETIT TRAIN DE MONSIEUR KAMODE (le capitalisme monopoliste d’état à travers la SNCF), ou encore EMBALLAGE (illustration du livre premier du capital élaborée avec des travailleurs du Havre ), qui remporte rapidement un succès international. Avec ses héros « positifs-subversifs » André Benedetto porte aussi à la scène des causes plus particulièrement liées à ses racines d’homme du Sud, comme la cause occitane avec la MADONE DES ORDURES ( 1973) mais aussi GERONIMO, ESCLARMONDA, LE SIEGE DE MONTAUBAN, LES DRAPIERS JACOBINS, FUSILLADE A MONTREDON… Les impasses ou contradictions rencontrées jouant un rôle moteur, la dramaturgie d’André Benedetto n’a jamais cessé d’évoluer et de se frotter à tout ce qui fonde notre époque : grandes voix ou destins exemplaires (Jaurès, Victor Hugo, Robespierre, Paul Riquet, Nelson Mandela, et tous les naufragés de l’histoire), destins individuels marqués par la guerre, ou confrontés à la drogue, l’autisme … (SQUATT CONNECTION , UN AUTISTE UN SOIR) le malaise des banlieues (FLEUR DU BETON), faits de société comme la pollution, la télévision, la condition de la femme, l’Europe (NOUS LES EUROPEENS). Dans cette œuvre abondante, la place du théâtre et le rôle de l’acteur reviennent comme un leitmotiv : LE MONOLOGUE DE SONIA, FIN DE JOURNEE, MOLIERE AU COEUR, L’ACTEUR LOUP (avec lequel il inaugure son théâtre d’improvisation), ACTEUR SUD… Il se définit comme Auteur-Acteur.

En 1981, il rencontre le jazzman Bernard Lubat. Ils feront ensemble des événements-musique, poésie, théâtre, plus d’une quarantaine de créations, parfois improvisées, parfois avec les musiciens de la compagnie Lubat, parfois tout un spectacle, acteurs et musiciens mêlés, comme pour LA TRAVERSEE DE TREIZE TRAGEDIES DE SHAKESPEARE A MOTO au château de Villandraut.

Il est invité à jouer à Beyrouth L’HOMME AUX PETITES PIERRES ENCERCLE PAR LES GROS CANONS, et aussi à Alexandrie. Il joue LE CABARET D’OMAR KAYYAM à Abu Dhabi et à Dubaï. On lui demande une création en co-production Abu Dhabi-Avignon. Il écrit alors UN IMPOSSIBLE AMOUR POSSIBLE qui sera mis en scène par une jeune metteur en scène Libanaise, et joué dans les deux pays.

Avec son monologue MEDEE qu’il joue au Festival d’Avignon 2008, il interpelle toutes les « Médée » de tous les temps et de tous les pays.

Élu président du Festival Off d’Avignon en 2006 , il avait réussi par sa stature d’homme droit et généreux, à rétablir la paix dans ce Off bouillonnant.

Liste des écrits d’André Benedetto

1963 : Le pilote d’Hiroshima // 1965 : Les Voyous // 1966 : Fabrication du noir – Statues – Urgent crier // 1967 : Napalm – Un pavé – Xerxès, les Perses à 3 // 1968 : Auguste et Peter – Lola Pélican dite Rosalie Charité la femme aux milles seins – Zone rouge – Feux interdits // 1969 : Le petit train de Monsieur Kamodé – Zone rouge, feux interdits // 1970 : Emballage – Rosa Lux la peste // 1971 : A bec et à griffes – Auguste et Peter suivi de Lola Pelican – Commune de Paris – Le renard au ciré jaune – Les poubelles du vent // 1972 : A quoi ressemble un éléphant ? – Chant funèbre pour un soldat américain – La Chine entre à l’ONU – La contradiction dans l’œuf et l’œuf dans la contradiction – Urgent crier // 1973 : Dix ans de théâtre – Esclarmonda 1, Soirées 46. – Les tambours de Satan – La Madone des ordures – Pourquoi et comment on a fait un assassin de Gaston D // 1974 : Esclarmonda 2 – Geronimo – Le siège de Montauban Mandrin – Monsieur Pantaloni // 1975 : Aie les lunes de Fos – Alexandra K – Esclarmonda – Les baraques de Monsieur Jo – Ordinateur pour safari – Un Colosse aux mains souriantes // 1976 : Les Zulus des Ulis – Théâtre 1, Les drapiers jacobins – Un bonjour de Bègles // 1977 : C’est plein de Gens – Parcours Vénitien – Saint-Feniant et Dame Paresse // 1978 : Aux Carmes Citoyens – De Colonel Stark à Lucia Popolo – L’Occitana Engabiada – Ville à vif // 1979 : Conférence à la bougie – Les aventures de Madame Popolo – Pique-nique au moulin d’Ardus // 1980 : Carnaval express – D’où parlez-vous – Fusillade à Montredon // 1981 : Le monologue de Sonia – Mêlée 1, Revue Mêlée – Mêlée 2, Revue Mêlée – Passage du midi, Croisière Paul Riquet – Un Soir, le chantier // 1982 : Electro-choc – Les écluses du temps – Monsieur Pantaloni – Radio Solo // 1983 : Ça brûle fort tu vois entre l’homme et son ombre – Djebel amour // 1984 : Aux Ormes – Jaurès la voix – Les naufragés – Livre produit en une seule nuit de la poésie – Lorenzo maintenant – Manteau d’espion – Salut beau mec // 1985 : Tout Hugo d’un seul coup // 1986 : Le bal des rescapés – Lola Pelican – Paquet suspect – Tout Hugo d’un seul coup// 1987 : Fin de journée – Le monde est là Mandela – Marie no man’s land – Trois pièces pour un couple // 1988 : La nuit où Horemheb traquait Nefertiti à travers les déserts – Molière au cœur – Thermidor-Terminus, La Mort de Robespierre // 1989 : Un autiste un soir // 1990 : L’acteur loup, Fiche d’improvisation – Nuits au maquis – // 1991 : Aguirre La Vitupération – L’auteur avec un acteur dans le corps ( + 2004) – Parcours photo du Théâtre des Carmes – Squatt-connection // 1992 : Aguirre 2 – Grand vert – Nous les Eureupéens // 1993 : A main armée – Avignon, suite et autres poèmes (réédité en 2011) – Comédie dans un bus – Louise et le Yéti – Télé que nous sommes – Tout en directs // 1994 : Cia amore – Don Juan aux aromates – Terres brûlées ou Mirèio Land / / 1995 : Carmen la gitane – Rigoberta met les voiles // 1996 : Fleur du béton – Le banquet de Macbeth – Le mystère Vilar // 1997 : Ici commence le midi + Dernières cigarettes – La dégustation aux flambeaux – Le jour où je me suis installé à la Présidence // 1998 : Définition du porc- Les Trois Petits Cochons – Le Carton’s club Trio Boum-Boum – Joue pour moi jeune fille // 1999 : L’implosion de Clément V (réédition 2005) – Se tenant par la main // 2000 : Haute mer – Les arpenteurs de la cité – Scène de la vie culturelle – Un soir dans une auberge avec Giordano Bruno / 2001 : Et si l’acteur n’était seulement qu’un tuyau ? – Houle de fond – L’orsalhèr e son ors Borre – Le cabaret Omar Khayyam – Le jeune homme exposé Gênes // 2002 : Deux ponts trois arbres quatre hommes du Sud – Essaie d’être aussi beau et présent sur une scène qu’une vache dans un pré – Je sens soudain que quelque chose d’autre que ce que j’ai prévu va se passer – La Tentatrice -Le travesti’s night club – Rencontre sur une île en Méditerranée // 2003 : Facho papa ! – L’homme aux petites pierres encerclé par les gros canons – La nostalgie de l’avenir avec tous les intermittents de la Terre – Où en sont-ils ? – Le jeune homme de la berge – Moi engagé ? Mais oui ! Ah bon – Mortes eaux – Scène devant un mas avec des équipements de protection – // 2004 : Adam de Craponne et Nostradamus – Surexposées – Un impossible amour possible – Voix de la rue // 2005 : Croisière – Prout Boum // 2006 : Ô clandestins la bienvenue, chez vos ancêtres les gaulois // 2007 : Zezette et Zozo // 2008 : Emballage 1 et 2 – La sorcière, son sanglier et l’inquisiteur lubrique – Médée Tourbillon Solo // 2009 : Lettres anonymes d’aujourd’hui // 2011 : Lear et son fou – Urgent crier suivi de Les poubelles du vent // 2013 : Marseille et Méditerranée suivi de Mémento Occitan // 2014 : L’acteur loup, Texte (édition)

La nuit soudain Lilia / Peut-on enseigner le théâtre aux enfants ? /  Haut les mains / L’acteur loup (texte) / L’allumeuse / Le bon docteur, fruits et légumes / Les roses bleues de Misuapur / Magnum – Suite de personnages à la 6-4-2 avec un 357 à la main / Médée fruit d’Occident et Médée 3 / Monstres anciens, modernes et post-modernes /Naissance de Docteur O / Qui sont ces gens / Te souviens-tu de Gênes /  Un abri pour la nuit / Un gros paquet de fric /Calamity Jane devant Sarah Bernhardt

C’est lui qui, en 1966, fera débuter Daniel Auteuil sur scène dans une pièce de Tchekhov (La demande en mariage), l’acteur n’a alors que 16 ans

Lors du Festival Off d’Avignon 2011, deux grands comédiens ont joué des textes d’André Benedetto au théâtre des Carmes-André Benedetto :

  • Philippe Caubère a créé : Urgent crier ! Caubère joue Benedetto.
  • Jean-Claude Drouot a mis en scène et interprété : Lear et son fou.

André Benedetto est le père de Sébastien Benedetto, qui reprend la direction du Théâtre des Carmes avec Andriève Chamoux en 2010, puis seul à partir de 20147, et qui est à son tour élu à 41 ans (et un jour…) président de l’association Avignon Festival & Compagnie le 11 janvier 20213.

Mises en scène

André Benedetto a mis en scène la plupart de ses pièces de théâtre.

Poésie

  • Urgent crier (poèmes), Robert Morel, 1966 ; réédité avec Les Poubelles du vent aux Éditions Le Temps des cerises en 2010
  • Les Poubelles du vent, Oswald, 1971 ; réédité avec Urgent crier aux Éditions Le Temps des cerises en 2010
  • Ça brûle fort, tu vois, entre l’homme et son ombre (poèmes), Parole, 1983
  • Avignon, suite (poèmes), Brémond, 1993 ; réédité augmenté, 2011

Bibliographie

Ouvrages

  • Auteurs en scène : André Benedetto, un homme-théâtre, Montpellier, Éditions Théâtre des treize vents / Les Presses du Languedoc, décembre 1998-janvier 1999.
  • André Benedetto, « Moi engagé ? – Mais oui ! – Ah bon… » in Christian Biet, Olivier Neveux (dir.), Une histoire du spectacle militant : théâtre et cinéma militants 1966-1981, Vic la Gardiole, L’Entretemps (« Théâtre et cinéma »), 2007, p. 190-200.
  • Dossier « André Benedetto » dans Europe, numéros 988-989, août-septembre 2011. Textes de : André Benedetto, Brigitte Canaan, Philippe Caubère, Olivier Neveux, Serge Pey, Jean-Pierre Sarrazac, Samaël Steiner.

Ouvrages avec notices, chapitres, analyses ou articles sur l’œuvre

  • Claude Alranq, Théâtre d’Oc contemporain. Les arts du jouer du midi de la France, Pézenas, Éditions Domens, 1995.
  • Olivier Neveux, Théâtres en lutte. Le théâtre militant en France de 1960 à nos jours, Paris, La Découverte, 2007.
  • Gilles Sandier, Théâtre en crise. (Des années 1970 à 82), Grenoble, Éditions La pensée sauvage, 1982.
  • Jean-Pierre Sarrazac, L’Avenir du drame, Belfort, Circé/poche, 1999.

Travaux universitaires

  • Frédéric Eldin, Avignon 68, à la croisée des contestations, ou Le mouvement de mai-juin 1968 dans l’agglomération d’Avignon et son prolongement durant le XXIIe Festival, Mémoire de maîtrise d’Histoire contemporaine sous la direction de Robert Mencherini, année universitaire 1996-1997, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse.

Articles dans revues

  • Françoise Kourilsky, « Entretien avec André Benedetto et les comédiens de la nouvelle compagnie d’Avignon », Travail théâtral, octobre-décembre 1971, no 5
  • Olivier Neveux, « Un théâtre dans la lutte des classes. Le théâtre de “Peuple” d’André Benedetto », in B. Faivre (textes réunis par), Études théâtrales : “Théâtre populaire. Actualité d’une utopie”, 40/2007, Louvain-la-Neuve (Belgique), 2008.
  • Olivier Neveux, « Alors, le lendemain, j’ai ouvert Le Capital »… Un théâtre de la théorie : Emballage d’André Benedetto, in Jean-Marc Lachaud, Olivier Neveux (textes réunis par), Changer l’art. Transformer la société, Paris, L’Harmattan (coll. « Ouverture philosophique »), 2009.
  • Olivier Neveux, « « entre aa et bb il y a qui ». Dialectique de l’ordre et du désordre dans le théâtre d’André Benedetto » », Incertains regards. Cahiers dramaturgiques : « Figures du désordre sur la scène contemporaine », no 2, Presses Universitaires de Provence, 2012.
  • Jean-Pierre Sarrazac, « L’Écriture au présent. Entretien avec A. Benedetto », Travail théâtral, janvier-juin 1975, no 18-19
  • Jean-Pierre Sarrazac, « La Fable et l’aujourd’hui. Notes pour un théâtre épique renouvelé », Travail théâtral, octobre-décembre 1975, no 21.